Lutte contre l’artificialisation des sols
Une récente instruction du Gouvernement, en date du 29 juillet 2019, appelle au renforcement de la mobilisation de l’Etat local pour porter les enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols, appliquer les dernières mesures législatives prises en la matière et mobiliser les acteurs locaux.
L’objectif
Le texte rappelle que le Président de la République a annoncé la mise en place du principe de zéro artificialisation nette du territoire à court terme, faisant le constat des conséquences pour les populations et pour l’environnement. En effet, l’étalement de l’urbanisation, lié au développement de zones pavillonnaires et à l’implantation de zones d’activités et de surfaces commerciales à la périphérie des métropoles et des agglomérations, emporte des contraintes économiques, sociales et environnementales pour les collectivités et l’ensemble de la population.
Le constat
Si la consommation d’espace varie selon les territoires, elle reste très élevée, avec une moyenne de 27 000 ha/an1 entre 2006 et 2016, soit l’équivalent de 4 à 5 terrains de football par heure. Surtout, elle engendre partout une perte de biodiversité, de productivité agricole, de capacité de résilience face au risque d’inondation, au changement climatique et à la précarité énergétique, une banalisation des paysages et en conséquence une perte d’attractivité, y compris économique, des territoires. Ce phénomène s’accompagne également d’une augmentation des besoins en services de transports et de réseaux coûteux en investissement comme en exploitation. L’éloignement des centres-villes renchérit le coût de la mobilité pour les ménages et réduit l’accessibilité aux services publics. En parallèle, l’étalement urbain peut s’accompagner d’une paupérisation des centres-villes, de davantage de logements vacants, voire d’une dégradation du patrimoine bâti, et, en conséquence, de l’attractivité des territoires. Ces sujets sont au coeur des préoccupations gouvernementales et au coeur de l’actualité que traverse le pays depuis quelques mois.
Action
Dans ces conditions, l’instruction demande une action au nom de l’Etat pour faciliter aujourd’hui et pour demain des projets de développement des territoires équilibrés, sobres en consommation d’espace, qui veillent à un meilleur usage des terres et préviennent la crise sociale. La gestion économe de l’espace doit s’envisager comme un objectif de convergence et de cohérence des politiques publiques en matière d’énergie, de climat, d’écologie, d’urbanisme, de cohésion et d’agriculture, et non comme une politique sectorielle supplémentaire. Il est essentiel de promouvoir des projets urbains qui délaissent une logique d’offre foncière au profit d’une vision politique et d’un projet de territoire raisonné.
D’un point de vue général, l’action de l’Etat intervient dans la trajectoire qui consistera à rendre applicable l’objectif zéro artificialisation nette du territoire, dans les délais qui seront confirmés par le président de la République. Ceci suppose dans un premier temps d’infléchir la consommation, puis de la stopper par un usage sobre de l’espace et par des actions de type compensatoire.
Cette ambition, particulièrement présente dans le projet de loi Elan, doit être portée par l’ensemble des échelons de l’État, en premier lieu par les préfets de département, principaux interlocuteurs des collectivités territoriales et des porteurs de projet.
Moyens
Il est demandé d’abord un accompagnement de proximité des collectivités territoriales pour que les projets de développement des territoires intègrent le principe de lutte contre la consommation d’espaces.
Il conviendra ainsi de veiller à ce que la lutte contre l’artificialisation soit bien prise en compte dans les stratégies d’aménagement, lors de la définition des projets et lors de leur mise en oeuvre.
L’intervention de l’Etat doit conduire à faire émerger les projets et les opérations sobres et vertueuses en matière de consommation d’espace qui s’inspire de la démarche « éviter, réduire, compenser » du code de l’environnement. Par ailleurs, l’Etat encouragera les projets ou les démarches visant la réhabilitation, la renaturation ou la désartificialisation de zones anthropisées. L’analyse des projets devra intégrer l’approche « éviter, réduire, compenser ».
A cette fin, l’Etat mobilisera l’ensemble des outils fonciers, réglementaires ou financiers à sa disposition, y compris ceux des opérateurs concernés. Il pourra s’agir notamment des nouveaux outils créés par la loi ELAN – qui replacent le projet au centre des interventions de l’Etat – les projets partenariaux d’aménagement (PPA) et les grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou les opérations revitalisation de territoires (ORT) – et permettent la réalisation d’opérations d’ensemble de renouvellement urbain.
Au cas particulier, l’instruction demande aux services préfectoraux:
- De participer activement à la réhabilitation du bâti existant en favorisant la mise en place d’ORT qui permet de rendre éligible le territoire au nouveau dispositif fiscal « Denormandie dans l’ancien » conçu pour faciliter l’équilibre économique de ces opérations. Il s’agira d’en assurer la promotion auprès des partenaires compétents.
- De lutter fermement contre les logements vacants. A ce titre, il conviendra de s’assurer de la bonne circulation de l’information entre les services fiscaux et l’ANAH pour :
- identifier les biens concernés ;
- faciliter la prise de contact avec les propriétaires par les opérateurs de l’ANAH ou des collectivités pour proposer des aides à la rénovation ou le dispositif « louer abordable».
- de porter une attention particulière à l’ambition des PLU en matière de densification des zones urbaines existantes et d’inviter les maires à utiliser les dispositifs de la loi ELAN permettant d’accorder des bonus de constructibilité, notamment pour transformer des bureaux en logement.
De même, en matière de planification, il est demandé aux services préfectoraux de dialoguer le plus en amont possible avec les collectivités pour les sensibiliser aux enjeux de sobriété foncière et discuter avec elles leurs hypothèses de développement. L’Etat doit être très présent dans le processus d’élaboration des documents d’urbanisme, qui sont par excellence des documents « ensembliers » vers lesquels la plupart des composantes d’un projet de territoire convergent. A cet égard, la note d’enjeu doit être l’occasion pour l’Etat de partager et argumenter sa vision sur l’avenir du territoire, qui doit permettre de concilier le développement humain avec des objectifs de protection : protection de l’activité agricole, de la biodiversité, de l’eau, etc…
Si, en dépit de cet accompagnement et du dialogue en amont et tout au long de la procédure, le document approuvé (SCOT ou PLU, PLUi) devait aller à l’encontre d’une gestion économe de l’espace ou prévoir une densification insuffisante à proximité des secteurs desservis par les transports ou équipements collectifs, l’instruction demande de mobiliser tout l’éventail de leviers réglementaires à la disposition des services de l’Etat (de l’avis défavorable jusqu’à la suspension du caractère exécutoire du document) pour demander à la collectivité d’apporter les modifications jugées nécessaires.
Veiller à la qualité des documents et de leur procédure d’élaboration sur ces enjeux est également essentiel à la bonne conduite des projets. Cela assure la sécurité juridique et prévient les potentiels conflits. L’évolution de la jurisprudence montre l’importance qu’accorde le juge au rapport de présentation des documents d’urbanisme. Les services de l’Etat devront veiller en particulier à ce que ce document justifie réellement les développements programmés au regard des besoins comme de l’analyse de l’offre existante. Ils pourront le cas échéant s’appuyer sur les avis des CDPENAF comme de l’autorité environnementale
Définition d’une stratégie nationale
En appui méthodologique aux Préfets de département, il est demandé aux Préfets de région de définir une stratégie régionale, articulée avec le SRADDET, fournissant un cadre commun aux actions départementales permettant de garantir une égalité de traitement des porteurs de projet à l’échelle régionale.
Conclusion
L’instruction conclut en comptant sur l’action des services de l’Etat pour provoquer une prise de conscience et une modification des comportements nécessaires afin de faire un meilleur usage de l’espace en accompagnant et facilitant la recherche de solutions favorisant la sobriété foncière, la nature en ville et la renaturation. La baisse du rythme de consommation d’espace est un préalable impératif avant la mise en oeuvre de l’objectif présidentiel de zéro artificialisation nette. Tous les moyens à leur disposition devront être mobilisés pour y parvenir.