Coronavirus et délais
Motivé par la crise sanitaire majeure que connaît la France en raison du caractère pathogène et contagieux du virus Covid-19, un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a été adopté, lequel comprend trois titres:
- le titre I organise les modalités de report du deuxième tour des élections municipales qui devait se dérouler le dimanche 22 mars ;
- le titre II instaure un dispositif d’urgence sanitaire ;
- le titre III est relatif aux mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie et comporte une série d’habilitations à légiférer dans des domaines variés.
Le titre III donne ainsi au gouvernement de très vastes habilitations à prendre par ordonnance des mesures législatives provisoires.
Ce dernier titre comporte en particulier une série de mesures destinées à traiter des conséquences administratives ou en matière de procédures juridictionnelles des mesures prises pour faire face à l’épidémie.
L’article 7 est en effet actuellement rédigé :
« I. Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72‑3 de la Constitution :
(…)
2° Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du covid‑19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure :
a) Adaptant les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux‑ci ne résultent d’une décision de justice. »
Le projet modifie, en les prolongeant, les délais dans lesquels des demandes et des avis préalables à la prise d’une décision par des autorités administratives doivent être formulés.
Le Conseil d’Etat (commission permanente), a été saisi le 17 mars 2020 d’un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (avis n°399873). Le Conseil d’État a complété ces dispositions afin de permettre la modification des délais dans lesquels les décisions prises sur ces demandes ou avis doivent intervenir. Les délais de réalisation par les entreprises ou les particuliers de contrôles, travaux et prescriptions sont également susceptibles d’être prolongés. Le Conseil d’État a modifié le texte pour excepter les contrôles, travaux ou prescriptions qui résulteraient d’une décision de justice.
Ces dispositions vont automatiquement avoir un effet en matière de délais et d’avis en droit administratif et notamment en droit de l’urbanisme et de l’environnement.
L’article 7 2° poursuit :
« b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation du covid‑19. »
Le texte autorise l’adaptation, l’interruption, la suspension ou le report des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, cessation d’une mesure ou déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation, à l’exception des mesures privatives de liberté ou des sanctions.
Le projet du gouvernement prévoyait que ces mesures prendraient effet au 14 mars 2020. Toutefois au regard de l’ampleur des mesures destinées à juguler la crise sanitaire déjà entrées en vigueur le 12 mars, le Conseil d’État a proposé de retenir cette date et de préciser qu’elles ne pourront excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises pour lutter contre l’épidémie par le Gouvernement.
Là encore, ces dispositions vont automatiquement avoir un effet en matière de délais en droit administratif et notamment en droit de l’urbanisme et de l’environnement.
L’article 7 2° dispose également :
c) Adaptant, aux seules fins de limiter la propagation du covid‑19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions. »
Le projet autorise des adaptations procédurales en matière de compétence territoriale, de composition des formations de jugement, de délais de procédure et de jugement, de publicité et de tenue des audiences ou de recours à la visioconférence pour les juridictions autres que pénales.
Le Conseil d’État a proposé de retenir une rédaction permettant de préserver l’ensemble des participants aux instances et non seulement les justiciables et les membres des juridictions. Il rappelle que ces adaptations ne pourront porter atteinte à la substance même des différentes garanties constitutionnelles ou conventionnelles qui régissent la conduite du procès.