Précisions sur les pouvoirs de police du Préfet en matière d’ICPE

Précisions sur les pouvoirs de police du Préfet en matière d’ICPE

Contexte

Une société exploitant une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), en l’occurrence une installation de stockage de déchets non dangereux a demandé au tribunal administratif d’annuler ou de réformer plusieurs dispositions de l’arrêté préfectoral qui a assorti de prescriptions complémentaires la modification de son exploitation. Cette demande a été rejeté en première instance et en appel. Le Conseil d’Etat a été saisi et a donné à cette occasion un éclairage intéressant sur les pouvoirs de police spéciale du préfet, en matière d’ICPE (CE, 20 déc. 2024, n° 475355).

Les apports de la décision

Sur la compétence du préfet pour édicter des prescriptions complémentaires

Selon le Conseil d’Etat, les prescriptions générales que le ministre chargé des installations classées peut rendre applicables à ces installations (sur le fondement et dans les conditions fixées par l’article L. 512-5 du code de l’environnement), ne privent pas le préfet des pouvoirs propres de police spéciale (qu’il tient des dispositions des articles L. 181-3, L. 181-14, R. 181-43, R. 181-45 et R. 181-54 du même code) et qui lui permettent de prendre, à tout moment, des mesures relatives à une installation donnée afin d’assurer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 de ce code, c’est-à-dire en particulier l’environnement et le voisinage.

Il en résulte que la circonstance que le ministre n’aurait pas défini certaines prescriptions, notamment des valeurs limites d’émission pour les substances polluantes résultant du fonctionnement ou de l’exploitation d’une installation, ou encore celle qu’il n’aurait pas fixé les conditions dans lesquelles certaines de ces règles peuvent être adaptées aux circonstances locales par le préfet, ne fait pas obstacle à ce que le préfet impose à une installation donnée les prescriptions qu’il estime nécessaires pour préserver les intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement, ni qu’il se réfère, pour cela, aux prescriptions applicables à d’autres installations, pour les valeurs limites d’émission.

Dans ces conditions, en l’espèce, la Haute juridiction estime que le préfet pouvait, d’une part, en l’absence de valeurs limites d’émission applicables à la catégorie d’installation en cause, fixer lui-même de telles valeurs en s’inspirant de règles générales existantes pour d’autres catégories d’installations, d’autre part, déroger aux valeurs limites d’émission prévues par les arrêtés ministériels applicables, et notamment retenir des valeurs plus strictes, alors même que ces arrêtés ne prévoyaient pas de faculté d’adaptation aux circonstances locales.

Sur la nécessité des prescriptions complémentaires

En premier lieu, pour juger que les prescriptions de l’arrêté préfectoral contesté relatives aux valeurs limites des concentrations dans les rejets atmosphériques et aux quantités maximales rejetées étaient nécessaires pour garantir la préservation des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu’il ressortait d’un rapport de l’inspection des installations classées la présence de sulfure d’hydrogène à proximité de l’installation et qu’un fonctionnement en mode « bioréacteur » aurait pour effet une augmentation de la production de biogaz. Elle a également relevé, d’une part, que l’arrêté préfectoral d’autorisation initial imposait déjà des valeurs limites d’émission que la société exploitante n’avait pas de difficultés à respecter et, d’autre part, que la plupart des valeurs prescrites dans l’arrêté contesté étaient supérieures à celles retenues dans l’arrêté initial. En prenant en compte ces considérations relatives à la nécessité des prescriptions litigieuses, afin de se prononcer sur la légalité de l’arrêté fixant des prescriptions complémentaires, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a pas commis d’erreur de droit.

En second lieu, la société requérante demandait également la réformation des prescriptions contenues dans l’arrêté complémentaire pour les remplacer par d’autres valeurs limites proposées par la société requérante.

Mais le Conseil d’Etat observe que la société exploitante n’a produit aucun élément de nature à établir que les valeurs limites dont elle demandait l’application étaient sans danger pour l’environnement et la santé ou que cette société ne serait pas en mesure, pour des raisons techniques ou économiques, de respecter les seuils fixés par l’arrêté préfectoral litigieux, de sorte que la cour administrative d’appel n’a entaché son arrêt ni d’erreur de droit ni d’insuffisance de motivation.

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