Incompétence du maire pour fixer les modalités d’utilisation des pesticides sur le territoire de sa commune
Par une requête, enregistrée le 2 août 2019, la préfète d’Ille-et-Vilaine a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes d’ordonner, sur le fondement des dispositions des articles L.554-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté du 18 mai 2019, par lequel le maire de Langouët avait réglementé les modalités d’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de cette commune (interdiction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, sur le territoire de la commune, à une distance inférieure à 150 m de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel).
Le Juge des référés a fait droit à cette demande et a suspendu l’application de l’arrêté pour incompétence du maire.
Tout d’abord, selon le juge, en application des dispositions de l’article L. 1311-2 du code de la santé publique, le maire ne peut que compléter un décret pris en matière de santé publique sur le fondement de l’article L. 1311-1 du même code.
Ensuite, le magistrat a relevé que si, en vertu des dispositions du code général des collectivités territoriales (art. L.2122-24, L.2212-1, L.2212-2, L.2212-4), il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait en aucun cas s’immiscer, par l’édiction d’une règlementation locale, dans l’exercice d’une police spéciale que le législateur a organisée à l’échelon national et confiée à l’État.
En outre, le principe de précaution, s’il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d’attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attributions.
En l’occurrence, il résulte des dispositions des articles L.253-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime que le législateur a organisé une police spéciale des produits phytopharmaceutiques. En vertu des dispositions de ce code, la règlementation de l’utilisation de ces produits relève selon les cas de la compétence des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation ou de celle du préfet du département dans lequel ces produits sont utilisés.
Il appartient ainsi à l’autorité administrative, sur le fondement du I de l’article L.253-7 du code rural et de la pêche maritime, de prévoir l’interdiction ou l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment «les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables» que l’article 3 du règlement (CE) n°1107/2009 définit comme «les personnes nécessitant une attention particulière dans le contexte de l’évaluation des effets aigus et chroniques des produits phytopharmaceutiques sur la santé» et dont font partie «les femmes enceintes et les femmes allaitantes, les enfants à naître, les nourrissons et les enfants, les personnes âgées et les travailleurs et habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme».
D’ailleurs, par une décision n°415426, 415431 du 26 juin 2019, le Conseil d’État a annulé l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L.253-1 du code rural et de la pêche maritime notamment en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques après avoir considéré que ces riverains devaient être regardés comme des «habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme», au sens de l’article 3 du règlement (CE) n°1107/2009 et rappelé qu’il appartient à l’autorité administrative de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé publique. Le Conseil d’État a enjoint en conséquence au ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, au ministre de l’économie et des finances et à la ministre des solidarités et de la santé de prendre les mesures réglementaires impliquées par sa décision dans un délai de six mois qui, à ce jour, n’est pas encore écoulé.
Il s’ensuit que le moyen tiré de l’incompétence du maire de Langouët pour réglementer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de sa commune est, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté. L’arrêté du maire est donc suspendu.