Permis de construire obtenu par fraude : pas de régularisation possible

Permis de construire obtenu par fraude : pas de régularisation possible

Par une récente décision, le Conseil d’Etat estime le juge ne peut faire application des dispositions du Code de l’urbanisme relatives à la régularisation d’une autorisation d’urbanisme lorsque l’autorisation d’urbanisme dont il est saisi a été obtenue par fraude (CE, 11 mars 2024, n° 464257).

Contexte

Un maire avait délivré un permis de construire autorisant un changement de destination d’un garage avec annexe en maison d’habitation et l’extension de la construction existante. Des requérants ont demandé au tribunal administratif l’annulation de ce permis de construire. Par un jugement du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé pour excès de pouvoir le permis litigieux. La commune s’est pourvue en cassation contre cette décision.

L’apport du Conseil d’Etat

  • Sur la légalité du permis de construire

Pour annuler le permis de construire en litige le tribunal administratif s’est fondé, d’une part, par des motifs non contestés en cassation, sur ce qu’il méconnaissait les règles du plan local d’urbanisme (PLU) relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et, d’autre part, sur ce qu’il méconnaissait les règles relatives aux aires de stockages des ordures ménagères.

Le tribunal administratif a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que le projet en litige avait pour objet le changement de destination d’un garage et sa transformation en une maison d’habitation avec extension de la surface existante. Il a déduit de ces constatations que ce projet portait sur une construction nouvelle au sens et pour l’application des dispositions du PLU qu’il n’a pas, ce faisant, pas inexactement interprétées.

  • Sur la régularisation

Aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle est motivé ».

Aux termes de l’article L. 600-5-1 du même code :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

La haute juridiction rappelle qu’il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu’il fasse le choix de recourir à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme si les conditions posées par cet article sont réunies ou que le bénéficiaire de l’autorisation lui ait indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation.

Un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.

Toutefois, et c’est l’apport de la présente décision, le juge ne peut faire application de ces dispositions lorsque l’autorisation d’urbanisme dont il est saisi a été obtenue par fraude.

Dans le cas qui lui était soumis, la Conseil d’Etat relève que la construction autorisée par le permis de construire était implantée à moins de six mètres de la limite séparative et que le pétitionnaire se prévalait, au soutien de cette implantation dérogatoire, d’une construction existante. Le tribunal administratif s’est fondé, par des motifs non contestés en cassation, sur ce que l’appentis en cause, accolé au garage, était en réalité en ruines et ne pouvait, de ce fait, être qualifié de construction existante. Il a également jugé, par des motifs non davantage contestés, que l’auteur de la demande de permis, qui ne pouvait ignorer cet état de fait, avait sciemment induit la commune en erreur en présentant cet appentis comme un bâtiment existant sur les plans joints à sa demande, ainsi qu’en omettant de joindre au reportage photographique qu’il avait annexé à cette demande une photographie de la façade nord du garage, à laquelle était adossée l’appentis en ruine, commettant ainsi une fraude afin de bénéficier d’une règle d’urbanisme plus favorable.

Dans ces conditions, en s’abstenant, dans ces circonstances, de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif n’a pas méconnu son office, ni commis d’erreur de droit.

Dans ces conditions, en s’abstenant, dans ces circonstances, de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif n’a pas méconnu son office, ni commis d’erreur de droit.

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