Conditions d’engagement de la responsabilité de l’administration qui refuse de procéder à l’exécution d’office d’une démolition ordonnée par le juge pénal
Dans une décision récente (CE, 13 mars 2019, n° 408123), le Conseil d’Etat apporte un éclairage utile sur les conditions d’engagement de la responsabilité d’une commune qui refuse de procéder à l’exécution d’office d’une démolition ordonnée par le juge pénal.
Dans l’affaire qui était soumise à la Haute Juridiction, un particulier avait procédé sans permis de construire à une extension de l’habitation dont il était propriétaire. Ces travaux irréguliers, portant sur une vingtaine de mètres carrés, concernaient notamment l’édification d’une terrasse. L’intéressé avait été condamné par un jugement du tribunal correctionnel à une amende et à la démolition de l’extension irrégulièrement construite. Cette maison d’habitation a ensuite fait l’objet d’une vente au profit d’une autre personne, qui n’a ni procédé à la démolition de l’extension, ni entrepris de régulariser les travaux.
Le voisin de de la construction litigieuse, située en surplomb de son habitation, a demandé en vain au maire et au préfet que l’administration procède à la démolition de l’extension irrégulière, en application de l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme.
Il a alors demandé au tribunal administratif de condamner l’Etat, sur le terrain tant de la responsabilité pour faute que de la responsabilité sans faute, à lui verser une somme en réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de la carence à faire exécuter le jugement du tribunal correctionnel. Cette demande a été rejetée en première instance, puis en appel. Un pourvoi en cassation a donc été introduit devant le Conseil d’Etat.
Selon ce dernier, au terme du délai fixé par la décision du juge pénal qui ordonne la démolition d’une construction irrégulière (en application de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme), il appartient au maire ou au fonctionnaire compétent, de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers (sous la réserve mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 480-9 du code), de faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de cette décision de justice, sauf si des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre ou de la sécurité publics justifient un refus.
En outre, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’autorisation d’urbanisme visant à régulariser les travaux dont la démolition, la mise en conformité ou la remise en état a été ordonnée par le juge pénal, l’autorité compétente n’est pas tenue de la rejeter et il lui appartient d’apprécier l’opportunité de délivrer une telle autorisation de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet soumis à son examen et des règles d’urbanisme applicables.
Dans le cas où, sans motif légal, l’administration refuse de faire procéder d’office aux travaux nécessaires à l’exécution de la décision du juge pénal, sa responsabilité pour faute peut être poursuivie.
En cas de refus légal, et donc en l’absence de toute faute de l’administration, la responsabilité sans faute de l’Etat peut être recherchée, sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques, par un tiers qui se prévaut d’un préjudice revêtant un caractère grave et spécial.
Ces conditions n’ont pas été considérées comme remplies en l’espèce.