Application du principe d’égalité en matière d’expropriation

Application du principe d’égalité en matière d’expropriation

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

On rappellera que, en application de l’article L. 220-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le transfert de propriété des immeubles faisant l’objet d’une procédure d’expropriation est opéré soit par cession amiable, soit par ordonnance du juge de l’expropriation.

Selon l’article L. 321-1 du même code, l’expropriant est tenu d’allouer des indemnités couvrant l’intégralité des préjudices causés par l’expropriation aux titulaires de ces droits. A défaut d’accord sur le montant de ces indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l’expropriation.

Les dispositions contestées prévoient quant à elles que, devant le juge de l’expropriation saisi de l’indemnisation et sous réserve que l’ordonnance d’expropriation soit intervenue, les locataires d’un bien faisant l’objet d’une procédure d’expropriation peuvent obtenir le paiement d’un acompte représentant, en principe, la moitié du montant de l’indemnité proposée par l’expropriant.

Ces dispositions excluent de la possibilité de percevoir un acompte sur l’indemnité les locataires d’un bien dont le transfert de propriété a été opéré par cession amiable.

Le Conseil constitutionnel déclare ces dispositions contraires au principe d’égalité énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Selon le Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 323-3 du code de l’expropriation instituent une différence de traitement entre les locataires d’un bien exproprié selon que le transfert de propriété du bien qu’ils louent a été opéré par une ordonnance d’expropriation ou par une cession amiable.

En permettant au locataire d’un bien exproprié d’obtenir le paiement d’un acompte sur l’indemnité qui lui est due, le législateur a entendu faciliter sa réinstallation.

Or, que le transfert de propriété du bien loué procède d’une ordonnance d’expropriation ou d’une cession amiable consentie après déclaration d’utilité publique ou dont le juge a donné acte, les conséquences sur les droits du locataire sur ce bien ainsi que sur son droit à indemnisation sont identiques.

Dès lors, la circonstance que le transfert de propriété du bien loué soit opéré par une ordonnance d’expropriation ou par une cession amiable ne rend pas compte, au regard de l’objet de la loi, d’une différence de situation entre les locataires.

La différence de traitement n’est pas non plus justifiée par un motif d’intérêt général.

Par conséquent, les dispositions contestées méconnaissent le principe d’égalité devant la loi et elles doivent être déclarées contraires à la Constitution (Décision n° 2021-897 QPC du 16 avril 2021).

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