Responsabilité du propriétaire d’un site pollué en cas d’acte de vente transférant l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploitation
Le propriétaire d’un terrain pollué ne peut pas, en cette seule qualité, être désigné par l’administration, en cas de défaillance de l’exploitant, comme responsable de la remise en état du site sur le fondement de la législation relative aux installations classées (ICPE) (CE, 21 févr. 1997, n° 160250) . En d’autres termes, le « propriétaire innocent » ne peut voir sa responsabilité recherchée sur ce fondement.
Le Conseil d’Etat vient de préciser sa jurisprudence (CE, 29 juin 2018, n° 400677) au sujet d’une usine de fabrication de fibres synthétiques et artificielles et de fabrication de sulfure de carbone, ainsi que d’une décharge destinée à accueillir les déchets du site de production.
Après avoir rappelé que, en vertu de la législation ICPE l’obligation de remise en état du site pèse sur le dernier exploitant ou son ayant droit et que le propriétaire du terrain d’assiette de l’exploitation n’est pas, en cette seule qualité, débiteur de cette obligation, la Haute juridiction ajoute « qu’il n’en va autrement que si l’acte par lequel le propriétaire a acquis le terrain d’assiette a eu pour effet, eu égard à son objet et à sa portée, en lui transférant l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploitation concernée, de le substituer, même sans autorisation préfectorale, à l’exploitant. »
Pour le reste, le Conseil d’Etat rappelle l’état du droit existant concernant cette fois-ci la législation relatives aux déchets (CE, 11 janv. 2007, n° 287674 ; CE, 26 juill. 2011, n° 328651 ; CE, 1er mars 2013, n° 354188 ; CE, 25 sept. 2013, n° 358923 ; CE, 24 oct. 2014, n° 361231). Il indique ainsi que, en l’absence des producteurs ou autres détenteurs connus des déchets déposés sur un site industriel, le propriétaire du terrain, s’il ne peut en cette seule qualité être soumis à des obligations de remise en état au titre de la police des installations classées, peut, le cas échéant, être regardé comme le détenteur des déchets, au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, et être de ce fait assujetti à l’obligation de les éliminer, au titre de la police des déchets, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ou s’il ne pouvait ignorer, à la date à laquelle il est devenu propriétaire de ce terrain, d’une part, l’existence de ces déchets et, d’autre part, que la personne ayant exercé une activité productrice de déchets ne serait pas ou plus en mesure de satisfaire à ses obligations. Il en résulte que le propriétaire d’un ancien site industriel peut être tenu, dans les conditions et limites qui viennent d’être rappelées, d’éliminer les déchets présents sur le site, au titre de la police des déchets.