Le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur une demande de démolition d’une installation classée dont le permis de construire a été annulé
Aux termes de l’article L 480-13 du Code de l’urbanisme, lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.
Dans une affaire jugée le 14 février 2018 (Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, pourvoi n° 17-14.703, arrêt n° 179 FS-P+B), le préfet du Morbihan avait délivré à un porteur de projet éolien un permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison. Ce permis ayant été annulé par la juridiction administrative aux termes d’une décision devenue définitive, les riverains avaient alors assigné le porteur de projet éolien, sur le fondement notamment de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, en vue d’obtenir le démontage des éoliennes et du poste de livraison.
La cour d’appel de Rennes avait retenu l’incompétence de la juridiction judiciaire pour connaître de cette demande tendant à la démolition des installations en estimant que, même si la juridiction administrative, en annulant le permis de construire, avait sanctionné le non-respect des prescriptions en matière d’urbanisme, le juge judiciaire ne pouvait pas ordonner la démolition des éoliennes litigieuses, dès lors qu’une telle mesure aurait pour effet de remettre en cause la poursuite de l’activité de ces installations, qui relèvent, pour leur exploitation, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
La Cour de cassation a censuré ce raisonnement.
Elle juge que lorsque le permis autorisant la construction d’une telle installation a été annulé par la juridiction administrative, le juge judiciaire est compétent pour ordonner la démolition de l’éolienne implantée en méconnaissance des règles d’urbanisme.
La Haute juridiction rappelle que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s’oppose seulement à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée, dans l’exercice de ses pouvoirs de police spéciale, sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter des ICPE. Dans ces conditions, seul le juge administratif peut connaître de la demande tendant à l’enlèvement d’une éolienne, au motif que son implantation ou son fonctionnement serait susceptible de compromettre la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, l’utilisation rationnelle de l’énergie, ou la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.
On rappellera que, depuis le 1er mars 2017,lorsqu’un projet d’installation d’éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale, cette autorisation dispense du permis de construire (C. urb., art. R. 425-29-2).