Précisions sur le droit de dérogation préfectoral
A titre expérimental et pendant une durée de deux ans, les préfets des régions et des départements de Pays de la Loire, de Bourgogne-Franche-Comté et de Mayotte, les préfets de département du Lot, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Creuse ainsi que le représentant de l’Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et, par délégation, le préfet délégué dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin peuvent déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’Etat (Décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 relatif à l’expérimentation territoriale d’un droit de dérogation reconnu au préfet).
Le préfet peut faire usage de cette faculté pour prendre des décisions non réglementaires relevant de sa compétence notamment dans les matières suivantes :
- Aménagement du territoire et politique de la ville ;
- Environnement, agriculture et forêts ;
- Construction, logement et urbanisme.
La dérogation doit répondre aux conditions suivantes :
- Etre justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales ;
- Avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ;
- Etre compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;
- Ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.
La décision de déroger prend la forme d’un arrêté motivé, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture.
Une instruction du ministère de l’intérieur du 9 avril 2017 vient apporter des précisions sur la mise en œuvre de ce pouvoir expérimental (Instr. 9 avr. 2017, NOR : PRMX1809968C).
Il est ainsi indiqué, par exemple, que la dérogation doit impérativement être justifiée par deux conditions cumulatives :
- un motif d’intérêt général ;
- et l’existence de circonstances locales.
La mise en œuvre du droit de dérogation ne se traduit pas par l’édiction d’une nouvelle norme générale en lieu et place de la norme à laquelle le préfet décide de déroger. Il ne s’agit pas d’une délégation du pouvoir réglementaire lui permettant d’adapter ou de simplifier localement des normes réglementaires nationales.
En effet, le pouvoir de dérogation s’exerce à l’occasion de l’instruction d’une demande individuelle et se traduit par la prise d’une décision au cas par cas. Il n’a pas pour objectif d’exonérer de manière durable de règles procédurales, ni de généraliser des mesures de simplification de normes ou d’accorder de manière générale et non individualisée des dérogations. En revanche, il permet au préfet de décider de ne pas appliquer une disposition réglementaire à un cas d’espèce, ce qui la plupart du temps devrait conduire à exonérer un particulier, une entreprise ou une collectivité territoriale d’une obligation administrative.
Le recours au droit de dérogation, fondé sur ces deux motifs (intérêt général et existence de circonstances locales), ne saurait par ailleurs se traduire par une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé, ni contrevenir à des normes de niveau législatif ou constitutionnel ou à des engagements européens et internationaux de la France.
Pour veiller à la légalité de la décision de dérogation, il appartient au préfet de procéder au préalable à une analyse juridique approfondie.
En cas d’interrogation quant à la légalité de sa décision, il lui est conseillé d’établir un bilan coût/avantage de la mesure de dérogation, de réaliser une estimation des risques juridiques (risque contentieux, risque financier, etc.) et d’évaluer ses conséquences en termes de cohérence de I’action publique locale.
La décision de dérogation revêt impérativement la forme d’une décision individuelle.