Contentieux de l’autorisation unique : éclaircissements apportés par le Conseil d’Etat
Par jugement du 14 décembre 2017 (voir précédente actualité : Des réponses attendues quant au contentieux de l’autorisation environnementale), le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur une requête tendant à l’annulation d’un arrêté préfectoral portant autorisation unique d’exploiter un parc éolien, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’État, en soumettant à son examen plusieurs questions, auxquelles le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse dans un avis du 31 juillet 2018 (n°416831).
L’une des questions posées au Conseil d’Etat était de savoir quelles règles le juge administratif, saisi d’une contestation contre une autorisation unique (délivrée au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014), doit appliquer lorsqu’il statue après le 1er mars 2017 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 26 janvier 2017 qui a introduit l’autorisation environnementale).
Le Conseil d’Etat précise que l’ordonnance du 26 janvier 2017, qui introduit l’autorisation environnementale, n’a ni pour objet, ni pour effet de modifier rétroactivement les dispositions régissant la procédure de délivrance des autorisations uniques prévue antérieurement par l’ordonnance du 20 mars 2014, à titre d’expérimentation.
En vertu de l’article L. 181-17 du code de l’environnement, issu de l’ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l’autorisation environnementale est soumise, comme l’autorisation l’unique l’était avant elle, à un contentieux de pleine juridiction.
Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d’urbanisme qui s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l’autorisation.
Par ailleurs, lorsqu’il estime qu’une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n’est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, créé par l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe afin de permettre à l’administration de régulariser l’illégalité par une autorisation modificative.
Une autre question portait sur le point de savoir quelles conséquences le juge administratif, saisi d’une contestation contre une autorisation unique délivrée pour un projet d’installations éoliennes terrestres au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014, valant permis de construire, doit-il tirer de l’application des dispositions de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 lorsqu’il statue après le 1er mars 2017, alors qu’un tel permis n’est plus requis pour de telles installations depuis cette date.
Le Conseil d’Etat rappelle que, aux termes de l’ordonnance du 20 mars 2014, l’autorisation unique vaut permis de construire au titre de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme. En revanche, il résulte des dispositions de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, issu de l’ordonnance du 26 janvier 2017, que l’autorisation environnementale, contrairement à l’autorisation unique, ne tient pas lieu du permis de construire le cas échéant requis.
Il en résulte que l’autorisation unique, alors même qu’elle doit être regardée comme une autorisation environnementale depuis le 1er mars 2017, continue également à produire ses effets en tant qu’elle vaut permis de construire.
Le juge, saisi de moyens dirigés contre l’autorisation unique en tant qu’elle vaut permis de construire, statue alors comme juge de l’excès de pouvoir sur cette partie de l’autorisation.
Par ailleurs, s’il résulte de l’article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme, issu de l’article 11 du décret du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale, qu’un permis de construire n’est plus requis pour un projet d’installation d’éoliennes terrestres depuis le 1er mars 2017, ces dispositions sont, toutefois, sans incidence sur la légalité des autorisations uniques, qui ont été délivrées avant leur entrée en vigueur.