Action récursoire de la commune contre l’EPCI en cas de délivrance d’un permis de construire illégal

Action récursoire de la commune contre l’EPCI en cas de délivrance d’un permis de construire illégal

Le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a été interrogé sur le cas d’une commune qui a délivré un certificat d’urbanisme puis un permis de construire pour une parcelle classée « constructible » dans le plan local d’urbanisme (PLU) élaboré et adopté par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Or le classement de cette parcelle dans le PLU était une erreur et la commune a été contrainte d’indemniser les propriétaires en raison de cette erreur. La question posée est celle de savoir quels sont les recours envisageables par la commune pour obtenir une prise en charge des indemnités versées à l’administré par l’EPCI.

Le Ministère répond que la commune peut se retourner contre l’EPCI pour les raisons et selon les modalités suivantes (Rép. min. n° 16572 : JO Sénat Q, 20 mai 2021, p. 3294).

  1. Responsabilité de la commune

La circonstance particulière que l’illégalité de l’autorisation d’urbanisme trouve son origine dans le classement erroné d’une parcelle retenu dans un plan local d’urbanisme (PLU) élaboré et approuvé par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ne fait pas obstacle à ce que soit engagée, au profit du bénéficiaire de l’autorisation, la responsabilité de la commune qui a exercé sa compétence en délivrant irrégulièrement ou en refusant irrégulièrement de délivrer ladite autorisation.

Certes, l’article L. 153-8 du code de l’urbanisme prévoit que le PLU est élaboré à l’initiative et sous la responsabilité de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme.

Mais ces dispositions ne remettent pas en cause le principe posé à l’article L. 422-1 du code précité selon lequel les autorisations de construire sont délivrées par le maire au nom de la commune lorsque cette dernière est dotée d’un document local d’urbanisme sous réserve de la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 422-3 du même code permettant à une commune de déléguer cette compétence à l’EPCI dont elle est membre.

Ainsi, appliquant un principe général aux termes duquel « il incombe à l’autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal en l’absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l’annulation ou l’aurait déclaré illégal » (CE, avis, 9 mai 2005, Marangio, n° 277280, A), le Conseil d’État confirme la solution retenue par une cour administrative d’appel qui avait considéré qu’en s’abstenant, dans le cadre de l’instruction d’une autorisation d’urbanisme, d’écarter les dispositions illégales du PLU approuvé par un EPCI, le maire commet une illégalité fautive susceptible d’engager la responsabilité de sa commune (CE, 18 février 2019, commune de l’Houmeau, n° 414233, B, point 5).

  1. Responsabilité de l’EPCI et action récursoire de la commune

La faute commise par le maire de la commune dans la mise en œuvre de son pouvoir de délivrance des autorisations d’urbanisme est donc distincte de celle résultant de l’illégalité du PLU imputable à l’EPCI.

Cette circonstance permet au bénéficiaire de l’autorisation de construire illégale de rechercher la responsabilité de la commune « pour le tout » dès lors que la faute du maire de la commune porte en elle l’intégralité du dommage au moment où elle a été commise.

Toutefois, cette situation, favorable à l’administré, n’implique pas que la charge de la dette pèse in fine sur la seule commune.

Dans la mesure où l’illégalité de l’autorisation d’urbanisme trouve son origine dans l’illégalité du classement retenu par le PLU élaboré par l’EPCI, la commune qui s’est vue condamnée à indemniser la victime est en droit de former une action récursoire contre l’EPCI afin d’obtenir réparation du préjudice que lui a causé le fait de devoir indemniser le bénéficiaire du permis de construire illégal.

Cette action récursoire peut prendre la forme soit d’un appel en garantie dirigé contre l’EPCI à l’occasion de l’instance contentieuse qui oppose la commune au bénéficiaire de l’autorisation illégale, soit d’une action ultérieure distincte en saisissant la juridiction compétente.

Dans ces deux cas, le juge administratif procèdera, in fine, à un partage de responsabilité entre les deux collectivités publiques en tenant compte de la gravité et du lien de causalité des différentes fautes en présence avec le préjudice.

Cette action récursoire ne permettra pas nécessairement à la commune de récupérer l’intégralité de la somme qu’elle a été condamnée à verser au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme.

En effet, le PLU est élaboré par l’EPCI compétent « en collaboration avec les communes membres » selon l’article L. 153-8 du code précité.

Ainsi, à l’occasion du litige de « second rang », opposant la commune à l’EPCI, ce dernier pourra faire valoir le fait que la commune a participé à l’élaboration du PLU à travers les consultations et a donc également contribué à ce qu’un classement erroné d’une parcelle soit adopté dans le PLU (décision précitée du CE du 18 février 2019). Dans ces conditions, le juge peut déterminer les responsabilités respectives des deux personnes publiques.

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