L’achat d’une propriété en raison de l’absence de voisinage ne donne pas intérêt à agir contre le permis de construire voisin

L’achat d’une propriété en raison de l’absence de voisinage ne donne pas intérêt à agir contre le permis de construire voisin

Dans l’affaire qui était soumise au Conseil d’Etat, un permis de construire avait été délivré autorisant la transformation d’un ancien bâtiment agricole en maison d’habitation (CE, 18 mars 2019, n° 422460).

Le voisin, dont la propriété, comprenant une maison sur des terrains d’une superficie totale d’environ 2 hectares, était située à proximité, a formé un recours contre ce permis.

Le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à cette demande et la commune s’est pourvue en cassation.

On rappellera que l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme dispose que : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ».

Selon la Haute juridiction, il résulte de ces dispositions qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.

Il appartient pour sa part au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité.

Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

Appliquant ces règles au cas d’espèce, le Conseil d’Etat relève que, pour admettre que le voisin justifiait d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation du permis de construire, l’ordonnance attaquée, après avoir notamment constaté que la propriété du requérant, située dans un secteur demeuré à l’état naturel, était séparée de celle des bénéficiaires du permis par une parcelle longue de 67 mètres et que sa maison était distante d’environ 200 mètres de la maison d’habitation dont la construction était autorisée par ce permis, a relevé que les boisements présents sur les terrains en cause ne suffisaient pas pour « occulter toute vue et tout bruit » entre le terrain d’assiette de la construction et la propriété du requérant et que celui-ci indiquait avoir acquis cette propriété en raison de l’absence de voisinage.

En se fondant sur de tels éléments, qui n’étaient pas à eux seuls de nature à établir une atteinte directe aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien par le voisin, le juge des référés a commis une erreur de droit. L’ordonnance attaquée est donc annulée.

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